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LATRANSVERSALE galerie du Lycée Alain-Fournier

Du 7 avril au 17 mai 2023

Robert Christien

Robert CHRISTIEN, Carnet, extrait, 2022, crayon sur papier

Une invitation de Murielle Luck
Vernissage le jeudi 6 avril 2023 à 18h
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C’est ici une affaire en effet d’un fil et de figures. Les deux sont rendus aux dimensions modestes et avec une grande économie de moyens. Un fil et des figures sans grandiloquence, tantôt concrets, tantôt abstraits, dans une exposition composée de deux installations et de deux séries de dessins datant de 2021-2023. Concrètement on voit bien qu’il s’agit d’un fil, d’une bobine et de dessins au crayon gras sur papier. Ce sont les figures qui sont abstraites.
Robert Christien file ici une métaphore, au sens propre et figuré. What you see is what you see disait Frank Stella en 19661. On voit bien que ce sont des traits discontinus et aléatoires dans une série de dessins. On ne voit pas toutefois que ce sont des traçages, des tracés qui contournent des objets banals tournés et retournés, des matrices absentes choisies parce que à l’échelle de la feuille de papier et parce qu’à portée de main (batônnets de glace ou de machine à café, pièces de monnaie, coquilles de moules de différentes dimensions).
Less is more enseignait Mies van der Rohe. Entre voir et ne pas voir, dans l’épure et le dépouillement, Robert Christien donne beaucoup à voir avec peu. Mine de rien, lorsque le corollaire du visible est l’invisible, selon Maurice Merleau-Ponty. Au regard des dessins – au crayon gras, légèrement frottés et floutés, sans incise, gagnant ainsi en présence et en matérialité –on ressent que ces feuillets sont perforés et proviennent d’un carnet à reliure spiralée, un outil courant et familier.
Il y a beaucoup de spirales et d’hélices dans les figures de cette exposition. Elles tournent et retournent sur elles-mêmes, tout en progressant. Enroulées ou déroulées, serrées ou lâches, ce sont des circuits, des fils conducteurs, des figures axées ou désaxées. Des figures tantôt discontinues, méandreuses et serpentines dans une des séries de dessins, tantôt continues, tendues et nerveuses sur papier quadrillé et millimétré dans l’autre série.

Du concret qui bascule dans l’abstrait, ou inversement, la métaphore que Robert Christien file est historique, voire mythologique. Elle est peu rectiligne, à l’instar de la pelote ou la bobine de laine que Dédale souffle à Ariane pour que Thésée puisse retrouver la sortie des impasses et des pièges du labyrinthe. Chez Hésiode, dans la Théogonie, la métaphore a trait aux divinités du Destin, les trois Moires : Clotho (la fileuse, qui tisse le fil de la vie), Lachésis (la répartitrice, celle qui déroule le fil), Atropos (l’implacable, celle qui le coupe) ; la vie ne tient qu’à un fil, représentée dans leur travail de filage, de la naissance et se poursuivant jusqu’au moment où le fil est coupé ou est entièrement déroulé du rouet, le devenir et le destin fixés par le filage, en filant.
À bien regarder pourtant, si ce n’est la section originelle du cordon ombilical, il n’y a pas d’autres coupes prédestinées dans le déploiement du fil dans une des deux installations. Là, le filaire prolifère, resurgit ailleurs et la métaphore frôle le végétal grimpant. Entre les faits et les feintes du déroulé de la métaphore, le fil rouge de laine est débobiné du sol au mur et rebobiné par des noeuds cabestan autour des épingles dans un continuum agnostique ininterrompu, sans coupure sur trois zones de la galerie. Et sans conclure.
De fil en aiguille, la deuxième installation est au fond d’un couloir étroit et sans issue. Là, on remonte le temps, à la cosmogonie d’avant la théogonie. Un point zéro, le tracé fantôme encore aveugle, celui des potentialités des débuts, avant la trame et les traçages préparatoires, avant le tissage des fils du motif de l’étoffe. D’un sens l’autre, il ne reste que le toucher pour voir. C’est là encore que, pour citer Victor Hugo, la forme est le fond qui remonte à la surface.

Antonio Guzmán

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