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Galerie La Box

Du 1er juin au 1er juillet 2017

Commissariat de Róna Kopeczky
sur une invitation de Ferenc Gróf
avec Jasmina Cibic, Šejla Kamerić, Luiza Margan, Tanja Ostojić, Selma Selman, Katarina Šević et Katalin Ladik
Programmation 2016-2017

Šejla Kamerić, Measure XM (détail), 2014 - Coton rouge, clous en acier, T-shirt : 58 x 240 cm, clous : 5,5 x 0,25 cm. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie Tanja Wagner
Šejla Kamerić, Measure XM (détail), 2014 – Coton rouge, clous en acier, T-shirt : 58 x 240 cm, clous : 5,5 x 0,25 cm. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie Tanja Wagner

L’invitation faite à Róna Kopeczky pour présenter son travail curatorial récent s’inscrit dans la ligne des recherches menées à l’ENSA de Bourges dans le cadre du programme «Re:Territories» qui questionne les traumas des conflits politico-ethniques. Nous sommes toujours prisonniers de l’ère post-yougoslave, drame complexe de la décomposition sanglante d’une fédération multiculturelle qui fut la Yougoslavie. Cette dernière grande guerre fratricide du continent européen porte son ombre sur l’avenir de toute politique fédératrice et émancipatrice. Une ombre à étudier de près, sous le feu des projecteurs. L’exposition Identification nous montre que malgré la guerre qui a redessiné les frontières de ce territoire d’Europe, la fédération est possible. Les artistes invitées par Róna Kopeczky redessinent une carte intellectuelle et artistique libérée des figures patriarcales/patriotes, des poignées de mains étatiques et signatures viriles. Une carte transgénérationnelle de la Yougoslavie féministe contemporaine.

Ferenc Gróf

En 1975, l’artiste néo-avant-gardiste yougoslave d’origine hongroise Katalin Ladik a réalisé une performance intitulée Identification (Identifikacija) sur les marches de l’Académie des beaux-arts de Vienne. Elle se trouvait dans la capitale autrichienne à l’occasion d’une exposition collective d’art avant-gardiste yougoslave, à laquelle elle participait en tant que membre du groupe voïvodinois Bosch+Bosch (1969–1976). L’œuvre se compose de deux photographies. La première la montre debout devant un long drapeau yougoslave suspendu depuis le premier étage, au-dessus des escaliers qui mènent à l’entrée de la prestigieuse institution viennoise. La seconde la montre derrière le drapeau.

Sur le plan individuel, l’action analysait les différents niveaux d’identification, du statut général de citoyen en tant qu’entité politique à son appartenance à un bloc politique en situation de guerre froide, en passant par sa relation à un pouvoir étatique, une autorité institutionnelle, une culture ou une classe sociale plus élevée, en particulier la bourgeoisie du 19e siècle. Elle abordait aussi la politisation de la femme et de son corps en tant qu’entité biologique et sociale, et propriété nationale, ou simplement la condition de l’artiste en tant que femme dans un système extrêmement patriarcal.

Plus largement, l’œuvre prédit la façon dont les sociétés des pays du bloc de l’Est (et pas seulement les pays post-communistes) façonnent leur identité contemporaine, font le lien et s’identifient à leur passé et/ou à leur présent à la lumière attirante de l’Europe de l’Ouest et de l’Union européenne. Prenant pour point de départ l’œuvre de Katalin Ladik, l’exposition explore différents récits, contextes et pratiques d’identification à travers le travail de six femmes artistes contemporaines d’Europe centrale et orientale : Jasmina Cibic (Slovénie), Šejla Kamerić (Bosnie-Herzégovine), Luiza Margan (Croatie/Bulgarie), Tanja Ostojić (Serbie), Selma Selman (Bosnie-Herzégovine) et Katarina Šević (Serbie/Hongrie).

Jasmina Cibic
L’identification comme spectacle

Jasmina Cibic travaille avec les signaux, les mots et les formes qui représentent une façon très particulière de faire de la politique, afin de déconstruire le spectacle de l’identification en tant que processus politique. Son projet intitulé Spielraum s’intéresse à l’instrumentalisation du langage visuel et de la rhétorique dans la construction de l’État en tant que spectacle, et étudie les différentes façons dont l’art et l’architecture peuvent servir de stratégies de pouvoir douces pour tout ordre politique. Les collages associent des paysages « pittoresques et sublimes » réalisés par les photographes officiels du maréchal Tito au cours de ses voyages et rencontres avec des dignitaires étrangers et des formes tirées de plans et dessins architecturaux pour la ville de Belgrade, créés à l’occasion de la première conférence du «Mouvement des non-alignés» en 1961. Les marbres posent la même question en associant les cieux qui apparaissent dans la peinture paysagiste hongroise classique et le marbre, qui représente le matériau utilisé pour la construction des bâtiments officiels, sièges de l’autorité et du pouvoir.

 

Šejla Kamerić
L’identification comme exorcisme

Il émane des œuvres de Šejla Kamerić, à travers leur relation directe avec la mort et la douleur, un moyen de les exorciser. L’utilisation que fait l’artiste de la couleur rouge (soit de façon évidente dans le titre des oeuvres et en incluant des éléments rouges dans celles-ci, soit de façon indirecte par une évocation symbolique ou une association sémantique de la couleur) apparaît comme une traduction chromatique de la souffrance. Son œuvre intitulée Measure XM (2012) est un pull à longues manches rouge en résille, composé de coton et cloué au mur qui offre un spectacle perturbant. Le crochet est habituellement un passe-temps. Mais dans cette œuvre particulière, l’utilisation d’un fil de coton rouge et les très longues manches ont pour but de faire passer la douleur plutôt que le temps. Dans le même ordre d’idée, son œuvre intitulée Missing IV représente un attrape-rêve vide composé de fils d’or et d’aiguilles. L’absence de rêves est une perte douloureuse que l’artiste identifie et auquel elle donne forme afin de l’exorciser.

Luiza Margan
L’identification comme réappropriation

La série intitulée Restaging Monument est basée sur des photographies que l’artiste a trouvé dans les archives familiales du sculpteur croate Vinko Matković. Sur ces photographies, il pose devant la sculpture à différentes étapes de son travail. Jouant avec le pathos et la théâtralité de l’auto-représentation du maître, Luiza Margan juxtapose ces scènes de « l’artiste au travail » avec des photographies sur lesquelles elle apparaît en plein effort physique. Les lignes de son corps et les éléments supplémentaires qu’elle utilise (une échelle, des pièces de structures en bois ou en métal) dérangent, répètent, poursuivent ou interrompent les lignes des échafaudages ou les parties de la sculpture. Elle joue avec et déconstruit effrontément la conception classique de l’artiste masculin comme créateur actif, opposé au modèle féminin considéré comme une muse statique et passive, une norme qui a été renversée pour la première fois par Marcel Duchamp et son alter-ego féminin Rose Sélavy. Ce collage sculptural est un hommage au monument nu, à la physicalité féminine, dans lequel le corps de l’artiste devient un outil lui permettant de revendiquer sa propre puissance.

Tanja Ostojić
L’identification comme alarme

En tant qu’artiste performeuse féministe, Tanja Ostojić puise son inspiration dans son expérience comme citoyenne ne faisant pas partie de l’Union européenne, femme et artiste. Exprimant avec force l’arrogance de l’Union européenne en ce qui concerne l’intégration des Européens du Sud-est, et en particulier des femmes, elle a abordé ce thème dans une performance intitulée Looking for a husband with EU passport (2000-2003), dans laquelle elle fait face à sa propre vulnérabilité en tant que femme non-européenne, pour qui le mariage est le seul moyen d’obtenir des papiers européens. L’œuvre Untitled / After Courbet – (L’Origine du monde), (2004) fait aussi la lumière sur ce phénomène, que l’artiste considère comme une forme de prostitution. Faisant référence à la fois en termes de contenu et de taille à l’oeuvre originale de 1866 du peintre français Gustave Courbet, le corps nu de l’artiste y apparaît dans la même position, mais son sexe est couvert par une culotte aux couleurs du drapeau européen. Le message est clair : les femmes étrangères ne sont les bienvenues dans l’Union européenne que si elles quittent leur culotte.

Selma Selman
L’identification comme catharsis

La jeune artiste bosnienne d’origine rom travaille avec la performance, la photographie et la peinture. Son travail adopte et fait voler en éclat les stéréotypes sur le peuple Rom, en faisant référence à son expérience personnelle, à ses situations de vie et à ses histoires. Les photos intitulées Mercedes 310 représentent l’artiste portant une robe blanche immaculée et des gants de travail tachés, à l’arrière de la camionnette Mercedes 310 sale et usée dans laquelle son père transporte les déchets de fer qu’il récupère. Son air provocant, son cri à l’attention du spectateur est un acte de défiance par lequel elle endosse l’identité et le mode de vie de sa famille, tout en le dépassant et en le transcendant par une esthétisation clairement subversive de la scène. Son œuvre intitulée Self-Portrait est une performance réalisée dans les rues de Rijeka, au cours de laquelle elle détruit une machine à laver à la hache. Une jeune fille en robe d’été à fleurs réduisant en miettes une machine à laver dans un lieu public avec une hache est une image violemment contradictoire, à la fois libératrice et agissant comme catharsis des stéréotypes.

Katarina Šević
L’identification comme artisanat

La série en cours de l’artiste, intitulée News from Nowhere (2009 – en cours) est un ensemble étrange d’objets en bois faits main. La série tourne autour de la question du savoir-faire, de l’artisanat et de la place qu’il occupe dans la société contemporaine. Sans style clairement définissable, les objets évoquent le mobilier du 19e siècle, les attributs de la bourgeoisie, les symboles politiques d’une époque déchue. Objets du quotidien ou ambigus, anachroniques, éléments ordinaires de taille inhabituelle à la fonction, à l’utilisation ou au sens inconnus, mais intimes et émouvants. En faisant référence à l’artisanat comme matérialisation des idéologies et outil d’identification matérielle, Katarina Šević développe un environnement semblable à un journal intime existant/non-existant, souvenir/oubli, recréé/déconstruit et objectivé. News from Nowhere est un ensemble familier et pourtant mystérieux d’objets qui réifie le processus d’identification, une énigme dont elle-seule possède les clés et les codes, mais suffisamment générique pour faire remonter immédiatement à la surface les souvenirs du spectateur.

Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication, de la Direction régionale des Affaires culturelles du Centre-Val de Loire, du Conseil régional du Centre-Val de Loire, de la Communauté d’agglomération Bourges Plus, et en partenariat avec la galerie acb, Budapest.
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