La Box, ENSA Bourges
Exposition du 20 octobre au 17 décembre 2023
Équipe curatoriale : L’atelier de recherche et création, Des lieux sans lieu mené par Éric Aupol, Frédéric Herbin, Laure Tixier avec les étudiant·e·s de l’ENSA Bourges – Margot Douet, Louis Fernandes, Sonia Gassemi, Jin Haofan, Tinhinane Kerchouche, Emma Moreira et Esther Rivet-Viale.
Artistes : Louisa Babari, Nicolas Daubanes, Dalila Mahdjoub, Choukri Mesli, Massinissa Selmani.
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Jeudi 14 décembre à 18h : Conférence de l’artiste Massinissa Selmani suivie à 19h30 du finissage de l’exposition et ouverture nocturne jusqu’à 21h
L’atelier de recherche et création, Des lieux sans lieu, mené par Éric Aupol, Frédéric Herbin, Laure Tixier et les étudiant·e·s de l’ENSA Bourges – Margot Douet, Louis Fernandes, Sonia Gassemi, Jin Haofan, Tinhinane Kerchouche, Emma Moreira et Esther Rivet-Viale – revient, dans ce projet curatorial mêlant archives et œuvres, sur l’histoire méconnue des camps de regroupement en Algérie, qui ont organisé le déracinement et le contrôle de 3,5 millions de paysan·ne·s pendant la guerre d’indépendance.
Devenus « mille villages » en 1959 pour échapper aux critiques du rapport Rocard, ils sont finalement recouverts par la politique agraire des villages socialistes après l’indépendance sous Boumédiène : trois strates géographiques et spatiales d’une histoire coloniale et de ses continuums.
Cette exposition inédite propose une exploration de l’histoire méconnue des camps de regroupement en Algérie. Elle allie des archives historiques et des œuvres contemporaines pour mettre en lumière ce chapitre crucial de l’histoire coloniale de la France en Algérie et ses résonances.
Depuis 2020, l’atelier de recherche et de création Des lieux sans lieu, mené au sein de l’École nationale supérieure d’art de Bourges, s’attache à l’analyse des espaces à la lumière de la pensée « hétérotopique » de Michel Foucault. De ce point de vue, l’histoire de l’Algérie se singularise par la succession et l’ampleur de politiques conduisant au déplacement et au resserrement de populations dans des lieux produits pour les contrôler.
Dès le début de la colonisation française, le partage des terres au détriment des populations locales s’impose comme un outil de maîtrise du territoire et de ses habitant.es. Héritiers de cette politique, les camps de regroupement créés pendant la guerre d’indépendance frappent par la violence de l’accélération du phénomène de concentration des populations. Entre le début et la fin de cette guerre, qui ne disait pas son nom, plusieurs millions de paysan.ne.s sont déplacés par les militaires français dans ces camps qui finissent de détruire leurs modes de vie et aggravent la pauvreté.
Pour échapper à la dénonciation de cette situation par Michel Rocard en 1959, les camps sont rebaptisés « 1000 villages ». Les autorités produisent alors une propagande qui promeut les bienfaits d’une politique de modernisation des infrastructures aux services des populations, en lieu et place des camps d’enfermement militaires. Après l’Indépendance, cette propagande sera recouverte par celle de la réforme agraire des « 1000 villages socialistes » sous le président Houari Boumédiène.
L’exposition développe une lecture critique de cette histoire. Faisant dialoguer archives et œuvres, documents, récits et imaginaires, elle cherche à montrer les continuums qui se lisent encore aujourd’hui : les superpositions de ces strates de construction sur le territoire algérien, mais également les échos qu’elles rencontrent chez d’autres camps et lieux de surveillance dans l’Hexagone (camp d’assignement à résidence de Thol, foyers de la Sonacotral).
Les regards des artistes y rencontrent ceux des sociologues, des urbanistes/architectes et des historien.ne.s. L’expérience des camps pendant la guerre d’Algérie nous est transmise par les dessins historiques que Choukri Mesli réalise en 1958 et à travers les archives dessinées par Pierre Bourdieu pour le livre qu’il signe avec Abdelmalek Sayad en 1964 : Le Déracinement. De la même manière, les photographies de Djaffar Lesbet nous donnent un témoignage direct des villages socialistes. C’est souvent en se confrontant à ces traces antérieures que les artistes de l’exposition travaillent.
L’archive et le document tiennent une place centrale dans le travail de Louisa Babari, Nicolas Daubanes, Dalila Madjhoub et Massinissa Selmani. Scrutée, analysée, reproduite, assemblée, cette matière s’offre comme un potentiel point d’entrée pour comprendre le passé. Elle comporte aussi sa part de résistance à l’intelligible et de détérioration, menant parfois à la perte. C’est dans cet interstice qu’œuvre l’exposition, tentant de relier les traces d’une histoire qui pourrait s’éclairer sans toutefois nier leur caractère de fragments dont l’hétérogénéité s’affirme à travers leur matérialité. Ainsi, l’histoire des camps de regroupement en Algérie permet-elle d’envisager ce qui semble advenir aujourd’hui sous la forme d’un “monde de camps” pour reprendre les mots de l’anthropologue Michel Agier.
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Jeudi 19 octobre à 18h : Vernissage
Samedi 21 octobre à 10h30 : Petit-déjeuner avec Éric Aupol et les étudiant·e·s de l’atelier de recherche et création, Des lieux sans lieu
Jeudi 26 octobre à 18h : à l’amphithéâtre projection du film À Mansourah tu nous as séparés (2019, 71 mn. Production : Les Films du Bilboquet) et conférence de sa réalisatrice Dorothée-Myriam Kellou, également autrice du podcast l’Algérie des camps, enquête à la première personne pour France culture et de l’essai Nancy-Kabylie chez Grasset, en conversation avec Frédéric Herbin
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